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Biographie

“Le langage projette des faisceaux de réalité sur le corps social. Il l’embouti et le façonne violemment.”
La Marque du genre

Monique Wittig est née en Alsace, dans le département du Haut Rhin. Dans les années 1950, elle s’installe à Paris et fait des études à la Sorbonne. Son premier roman, L’Opoponax, publié par les éditions de Minuit en 1964, attire l’attention des critiques lorsqu’il obtient le Prix Médicis dont le jury se compose de Nathalie Sarraute, Claude Simon et Alain Robbe-Grillet. Célébré par ces écrivains connus et respectés, le roman est aussitôt traduit en anglais, et sera également salué par les critiques aussi bien anglais qu’américains.

En mai 1968, Wittig s’engage dans le mouvement de révolte étudiant et ouvrier. Comme d’autres militantes, elle s’aperçoit très vite que les dirigeants masculins du mouvement, ne veulent pas partager avec elles leur pouvoir. Elle devient alors l’une des premières théoriciennes et militantes du nouveau mouvement féministe. C’est dans ce climat radical qu’elle termine Les Guérillères, son œuvre peut-être la plus influente, publiée en 1969. Révolutionnaire tant sur le plan de sa forme que de son contenu, ce roman est lui aussi traduit en plusieurs langues. Il devient dès lors enjeu de débats et source d’inspiration pour la pensée et l’écriture féministes et lesbiennes autour du monde.

En mai 1970, Wittig co-publie un des premiers manifestes du mouvement féministe français. Pendant les années 1970, elle se retrouve au cœur des mouvements féministes et lesbiens radicaux qui émergent en France. Elle fonde ainsi des groupes tels les Petites Marguerites, les Gouines rouges et les Féministes révolutionnaires.
À partir de ces années-là, se partageant entre les fictions et les essais, l’œuvre de Wittig s’inscrit dans un dialogue critique entre la théorie et la littérature.

En 1973, elle publie Le Corps lesbien (traduit en anglais en 1975 sous le titre The Lesbian Body), et en 1976, en collaboration avec son amante Sande Zeig, Brouillon pour un dictionnaire des amantes (traduit en 1979 par Lesbian Peoples : Material for a Dictionary.) En 1976, Wittig et Zeig s’installent aux États-Unis.

C’est aux États-Unis que Wittig commence à écrire la plupart de ses essais théoriques. En effet, ses essais les plus connus datent de la fin des années 1970 et du début des années 1980. Dans des genres allant de l’essai philosophique (« The Straight Mind » ou « La Pensée straight ») à la parabole (« Les Tchiches et les Tchouches »), elle expose les relations entre lesbianisme, féminisme et littérature. La plupart de ses essais paraissent dans deux revues. Elle fait partie du collectif qui publie Questions féministes, la plus importante revue féministe en France. Elle participe par ailleurs à la revue américaine Feminist Issues, fondée pour faire connaître en anglais les articles de Questions féministes. Dans ce mouvement de traduction de ses essais du français à l’anglais et vice-versa, son œuvre devient réellement bilingue. Elle traduit également Spillway de Djuna Barnes, en français La Passion. Il faut noter qu’elle avait déjà traduit L’Homme unidimensionnel de Marcuse, et les Nouvelles Lettres portugaises des Trois Marias.

Durant les années 1980, elle revient à la fiction et plus particulièrement au théâtre. The Constant Journey (1984), pièce créée et montée avec Zeig d’abord en anglais, aux Etats Unis, et ensuite à Paris sous le titre Le Voyage sans fin (1985) est une réécriture, dans une version lesbienne, de Don Quichotte. Son dernier roman, Virgile, non (en anglais Across the Acheron) utilise La Divine Comédie de Dante, comme métaphore structurante d’un récit où l’enfer, les limbes et le paradis se situent à San Francisco !

Depuis son arrivée aux États-Unis, Wittig travaille comme professeur invité et écrivain en résidence dans plusieurs universités américaines. Elle obtient son doctorat en soutenant une thèse intitulée « Le Chantier littéraire », sous la direction de Gérard Genette. Elle devient professeur de français et d’études féministes à l’Université d’Arizona en 1990. L’ensemble de ses essais, publiés en 1992 sous le titre The Straight Mind, sont désormais largement accessibles. Ces essais ont influencé et influencent encore, sur un plan international, la théorie féministe et lesbienne.

En 1994, durant un colloque à l’Université de Kentucky, Wittig lit sa première œuvre de fiction écrite en anglais, The Girl. C’est cette fiction, The Girl, qui nourrit le scénario du film éponyme réalisé par Sande Zeig. Pendant les années 1990, Wittig prépare la publication de ses nouvelles dans un recueil intitulé Paris-la-Politique (1999), et la traduction de The Straight Mind en français, La Pensée straight (2001). Pour saluer cette publication, Marie-Hélène Bourcier et Suzette Robichon organisent, à Paris en juin 2001, un colloque de caractère international, avec la présence de Wittig et Zeig. Cette dernière présente par la même occasion la première française du film The Girl. On retrouvera les actes du colloque dans un livre intitulé Parce que les lesbiennes ne sont pas des femmes (2002) sous la direction de Marie-Hélène Bourcier et Suzette Robichon.

La mort subite et inattendue de Wittig, en janvier 2003, a terminé trop tôt la vie et l’œuvre de l’écrivain, philosophe et militante extrêmement créatrice et influente, dont les idées continueront à inspirer tous ceux et celles qui luttent contre « la pensée straight » dans toutes ses dimensions. Des numéros spéciaux de revues, une anthologie importante (On Monique Wittig, 2005) et un colloque à Harvard (co-organisé avec Yale) en décembre 2004 ont rendu hommage à ses contributions inestimables à la littérature, aux études et aux théories lesbiennes, gaies et féministes. Une autre conférence a eu lieu à l’Université de Lyon en novembre 2009. Les communications ont été publiées par Benoît Auclerc et Yannick Chevalier, dans le livre Lire Monique Wittig aujourd’hui, aux Presses Universitaires de Lyon en 2012.

Sa thèse de doctorat, Le Chantier littéraire, a été publiée à titre posthume en 2010 par les Éditions iXe et les Presses Universitaires de Lyon. Ses papiers ont été acquis par la bibliothèque Beinecke Rare Book & Manuscript de l’Université de Yale. L’année 2014 marquant le 50e anniversaire de la publication de L’Opoponax, une application a été lancée pour accompagner la lecture du roman. Les utilisateurs sont initiés à la réception de presse du roman en 1964, ainsi qu’à diverses traductions du texte et des enregistrements dans plusieurs langues des dernières pages, offrant ainsi un avant-goût de «l’univers wittiguien».

Biographie par Diane G. Crowder (2007) et Sandra Daroczi (2018)

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